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SODOME.

odeur des lacs de bitume enflammé qui m’engloutissent et me dévorent. Fuyez ! fuyez ! Je dois périr seul, Dieu le veut ainsi ! Sodome ! Sodome ! la terre s’entr’ouvre et des flammes s’élancent, et déjà mon corps se consume.

… Écoutez ! tout craque, et les gouffres m’attirent. Fuyez ! fuyez ! C’est écrit dans la Bible en lettres de feu : « Sauve-toi au nom de ta vie, ne regarde pas derrière toi, et ne t’arrête pas dans tout le district ! Sauve-toi sur la montagne pour ne pas périr ! Sodome ! Sodome ! » Grâce ! grâce ! Ah ! je brûle !

Maintenant on voit nettement la mort étreindre Soran peu à peu : l’être disparaît par parties ; les jambes, déjà, sont impotentes et les bras impuissants ; la parole inintelligible, sauf dans les moments de fureur. Dans de rares instants, la lucidité revient, et il peut causer un peu avec les visiteurs : c’est, tous les jours, Henri Laus qui vient assidûment et reste le plus longtemps possible auprès de lui ; c’est aussi l’abbé Gratien qu’il a fait demander, et qui essaye de consoler celui qu’il n’a pu sauver. Doucement, Jacques Soran s’entretient avec eux, et dans ces intervalles où la névrose semble s’éloigner, il comprend qu’il est malade, et parle avec confiance de sa guérison prochaine. Tout à coup le délire