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SODOME.

peut étonner, Laus, malgré sa douleur de contempler la ruine de Soran, ne put s’empêcher de devenir assez familier avec Adèle. Celle-ci, enhardie par sa conversation avec Henri, errait autour de lui, se trouvant souvent sur son passage, entrant même quelquefois dans sa chambre, pendant qu’il y était, sous un prétexte futile.

Ce séjour ravissant de Noirchain, si charmant encore peu de temps avant, quand ces deux êtres très beaux y vivaient leur bonheur, avait maintenant un air funèbre. Pour les yeux tristes de Laus, tout, ici, conspirait à la mélancolie et à l’ennui : l’automne s’avançait et le soleil, vainqueur des tristesses et des peines, pâlissait. Les oiseaux s’en étaient allés et l’on n’entendait plus, là-haut, dans les ramures, l’enchevêtrement, très mièvre et très perçant, de leurs cris. Plus de fleurs non plus, non plus que de gaies verdures : les mortuaires cyprès et les pins restaient seuls comme dans un vaste cimetière. Le piano et l’orgue se taisaient et le vent seul sifflait lugubrement ou hurlait… Parfois, au milieu de ce silence, passait un homme n’entendant plus le silence, sourd à ses petites voix : les cheveux grisonnants, il allait, cadavre qui eût surgi de cette nécropole. Parfois encore c’était Laus, l’enfant blond ayant un peu souffert,