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L’ENFANCE.

par des exercices quotidiens, est robuste et mince. Les cheveux courts par devant tombent demi-longs, sur le cou, en ondes noires. Le teint est blanc, avec ce don précieux et rare de pâlir également au froid et à la chaleur, et, sous des cils ombreux, pour éclairer ce visage d’un charme ineffable, l’œil est bleu, couleur d’infini : non, le bleu du myosotis, si pur que le paysan l’appelle : « œil d’enfant Jésus », ni le ton des ciels de l’Orient, trop chaud et d’une valeur trop intense : c’est le bleu de l’infini que quelques heureux ont peut-être entrevu tout au loin, dans le ciel, dans des arrière-plans éclairés par des nuages argentés.

Les joues et les lèvres glabres donnent à la tête comme un aspect austère et mystique, et le scapulaire qu’on voit en ce moment sur sa poitrine ne surprend pas.

Soran rêve : renversé sur sa chaise, le regard fixé sur un carreau de la rosace, il est comme hypnotisé par un rayon de soleil filtrant d’une fente ; il revit toute sa vie : son enfance, sa famille, le collège, ses voyages, et cet amour effrayant, absurde et impossible qui depuis si longtemps ronge son cœur, et que ni les plaisirs ni le mariage, ni le travail, ni la foi n’ont pu guérir… il revit toute sa vie, et se repaît de cet hor-