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LA CHUTE.

tirant des chariots dans les endroits impraticables aux chevaux. Malgré l’obscurité, à peine tachée çà et là par les lampes, les mineurs reconnaissaient des étrangers et s’arrêtaient pour les examiner. Le malaise avait complètement disparu et, lorsqu’arrivant à un boyau très étroit, Jacques et Laus durent s’accroupir et se traîner sur les genoux, c’est gaîment qu’ils le firent. Henri, tenant sa lampe entre les dents et rampant, s’écorchant à des morceaux de charbon, analysait ses impressions : quel plaisir y avait-il à parcourir des kilomètres à quatre pattes sans rien voir, en se meurtrissant les membres, en se heurtant les épaules et en respirant du charbon ? Il ne put nier que la jouissance fût très grande, du moins cette première fois, et il se l’expliqua aisément. Dans cet accord de sensations diverses, la dominante lui parut être la vanité ; le danger très réel de cette descente en constituait à peu près le seul plaisir, puis l’orgueil encore de passer dans les endroits les plus difficiles, et le refus de s’avouer fatigué, sentiment très bête en somme, s’ajoutait aussi. Quant à Soran, il pensait à Laus, passant, comme toujours, par des alternatives de sentiments très élevés et de tentations brutales. Habitué à rapporter les phénomènes extérieurs à son propre