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SODOME.

s’assit à côté de Jacques, et, tous deux, à quatre mains ils improvisèrent :

Cet exercice est peut-être celui qui demande la plus complète ressemblance entre deux tempéraments. Outre la science que tous deux possédaient, il nécessite une fusion des idées, une pénétration parfaite et instantanée entre les deux esprits.

Jacques se mit aux dessus et prit la direction.

Il commença un prélude très simple, où Laus, avec discrétion, s’effaça pour le laisser parler seul. Peu à peu les basses firent entendre leurs notes graves dans des réponses en imitations, et ce fut un dialogue où les deux individualités se fondirent bientôt pour en faire l’élévation d’un cœur unique. Subitement, par ce caprice que Jacques avait connu déjà à Noirchain, Laus changea le rythme et la tonalité, et, Soran le précédant dans sa course folle, un scherzo fantastique succéda à la douloureuse introduction. Parfois, sur le pédalier, leurs jambes se rencontraient et Jacques tressaillait. Parfois encore, allongeant le bras vers un registre, Soran, involontairement, mais non inconsciemment, pressait la main de Laus qui s’y trouvait au même moment, par une communion entière des inspirations ;