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LA CHUTE.

qui recommençait sans cesse unissant leurs deux âmes dans des appétences communes. Jacques parla son rêve de l’autre jour avec l’éloquence et le charme de la poésie et du cœur ; et quand il dit ces deux anges blancs, s’identifiant et s’unifiant pour rentrer dans Dieu dont ils s’étaient échappés, il fut pur à ce moment et les sens, oubliés et disparaissant dans cette extatique vision, se turent. Le contact de Laus qu’il sentait auprès de lui ne le troublait plus ; la chair n’avait plus ces vibrations avilissantes, dans cet instant lucide où l’aberration et la folie s’apaisaient, ne voilant plus et ne défigurant plus le Soran de jadis.

Quelques heures après ils étaient à Noirchain. Avec quelle émotion Jacques retrouva cette retraite qu’il avait quittée si triste et où il revenait, non plus seul maintenant !… La neige couvrait le parc et il voulut y marcher, pressé de revoir et de montrer à Laus tous les détails de cet asile où ils devaient tous deux recouvrer le bonheur. C’était là qu’il voulait revivre avec lui cette douce vie qu’Elle lui avait fait entrevoir et qu’Elle avait si brusquement rompue. Ils allèrent, par ce froid, jusqu’au petit belvédère. Le grand christ gothique était toujours là, étendant ses longs bras amaigris et décharnés