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LA CHUTE.

une déviation et une perversion de l’amour, et les circonstances servaient Jacques avec une faveur fatale.

Ils causaient comme on cause en voyage : des phrases entrecoupées, indifférentes, des impressions sur les panoramas qui s’enfuient, Jacques tutoyant Henri, celui-ci restant affectueusement respectueux.

— Pourquoi Mme Soran ne viendrait-elle pas nous rejoindre à Noirchain ? dit Laus.

Cette simple phrase causa à Jacques une horrible souffrance. Le souvenir de celle qu’il abandonnait lui revint comme un remords…

— Oui, dit-il. Et il parla d’autre chose. Jacques emportait le manuscrit de son ouvrage, que fort heureusement il avait confié à Laus quelques jours auparavant. Pour abréger le voyage, ils le feuilletèrent ensemble. Jacques Soran admirait qu’une intelligence d’enfant eût pu s’élever d’emblée jusqu’à saisir, dans leurs replis mystérieux, ces conceptions ésotériques.

Les premières pages dataient de huit années déjà et Jacques, dans cette revision, put suivre pas à pas, pour ainsi parler, le développement de ses idées, les transformations de son tempérament. En tournant les feuillets avec Laus, sachant surtout combien grande était sa péné-