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SODOME.

polette : vain espoir : l’orage renaît plus violent, et les vagues énormes le rejettent sur la plage et se retirent : il est sauvé, il s’encourt : le malheureux ! la mer est revenue, elle est là terrible et géante : elle l’enlace et le roule et le pétrit sur les galets, et Dieu permet enfin que l’imprudent s’échappe meurtri et brisé…

C’est le premier amour avec ses ignorances et ses curiosités, et ses jouissances et ses tortures ; et, pendant longtemps, ce cœur va saigner ; il commence à vivre, il souffre. Alors, l’immense dépression et le découragement inéluctable ; l’amour remplissait tout entière l’âme de cet homme ; il l’a quittée, et cette âme est morte : le corps va végéter, sans foi, sans croyance, sans but : sa vie s’est arrêtée…

Le temps a passé et le cadavre renaît : l’oubli a ressuscité l’âme : la foi revient et l’espérance. La vie recommence ; l’ambition remplace l’amour ; trahi par la femme, l’homme courtise la gloire, la « capricieuse prostituée » qui, au gré des obscurs, « s’éprend des imbéciles et nargue les génies ». Et la gloire le nargue, et il se croit un « génie méconnu » et la dépression revient : toutes ces émotions l’ont blasé, son palais est maintenant insensible aux épices. Y a-t-il un piment assez fort pour le réveiller ? Un