Page:Argis - Sodome, 1888.djvu/234

Cette page a été validée par deux contributeurs.
218
SODOME.

Henri Laus était très bon musicien, et il fut vraisemblable que, pour cette raison, il vînt tous les soirs chez Jacques. Et elle dut endurer ce supplice de s’asseoir souvent au piano à côté de celui qui lui ravissait son mari.

Ils s’en étaient allés à jamais les jours de calme, et Jacques maintenant vivait dans une lutte continuelle, dans des heurts de crainte et d’espérance. Les remords, quelquefois, parlaient très haut en lui, mais peu à peu il les domina, et il s’avoua brutalement ses désirs. Il n’aimait pas sa femme, il ne l’avait jamais aimée. Il aimait Henri Laus, et il ne pouvait lui avouer cet amour. Dès lors, il évita l’abbé Gratien et celui-ci, ne pouvant plus s’introduire dans une conscience dont il avait retardé l’abaissement, se tint à l’écart. Par une compensation nécessaire sans doute à l’équilibre universel, la piété de Berthe Gouvaut s’affina et devint plus intense ; elle fréquenta souvent avec le prêtre. Déprimée jusqu’à en mourir, elle trouva dans la religion le seul secours qu’elle pût espérer. L’abbé Gratien reporta sur cette malheureuse femme un peu de la pure affection qu’il avait pour Jacques, et il la soutint dans cette crise douloureuse.

Henri Laus habitait, sur le quai Voltaire, un