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LE MONDE.

songeant devant les toiles sans les voir, lorsqu’il l’aperçut rêveur lui aussi, pensant peut-être à quelque amour de jeune homme. À cette idée, son cœur se serra, et Jacques, si timide autrefois, s’approcha résolu.

Quelques paroles vulgaires, comme en pareille circonstance, furent naturelles à deux artistes se rencontrant devant une belle œuvre, et, dans cette salle des Primitifs, ils causèrent longuement. Soran, par des questions et des objections, se plaisait à le faire parler, et il jouissait de cette voix mal assurée d’enfant, et de ce regard qu’il osait à peine regarder, dans la crainte de se trahir.

… Il s’appelait Henri Laus : il avait dix-sept ans, et il était orphelin. Avec la confiance d’un enfant et l’admiration qui s’impose à cet âge pour un homme de trente ans, beau et séduisant, il se livra tout de suite entièrement. Ils sortirent ensemble et Jacques le quitta avec la promesse de le revoir souvent.

Il rentra joyeux.

Il faut maintenant que Berthe Gouvaut disparaisse comme elle disparut de son cœur et de son esprit. Il s’occupa peu d’elle, ne trouvant à son égard que des paroles indifférentes et quelconques. Dès le lendemain, il sortit souvent, res-