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à faire et elle aurait dû donner le bonheur à un homme qui eût pu être heureux. Parfois, dans son ignorance du cœur de Soran, elle pouvait croire à son succès ; mais soudain, sans qu’elle pût s’expliquer pourquoi, il devenait triste et un nuage semblait voiler ses yeux. Berthe Gouvaut, si près de l’instinct, comme toutes les femmes, sentit qu’il y avait entre elle et Jacques quelque chose d’inconnu et d’invisible, comme une barrière infranchissable entre leurs âmes… Les premiers temps, elle se résigna. Peu à peu la femme apparut et, avec elle, toutes les adresses et tous les pièges pour conquérir un homme. Elle comprit presque, ou tout au moins entrevit-elle très vaguement, qu’elle luttait peut-être contre une rivale idéale et elle voulut devenir la plus forte.

Dans une intuition assez grande, elle essaya de se la représenter et de la deviner. Elle se la figurait avec une intelligence superbement illuminée et infaillible. Admirant Soran comme on admire ce que l’on comprend mal, elle pensait que, seule, une femme plus élevée que toutes les autres pouvait obtenir son amour. Elle voulut s’élever au-dessus d’elle-même. Les travaux de Jacques l’intriguèrent beaucoup. Penché sur des livres aux titres incompréhensibles, elle le regar-