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SODOME.

être dangereuse, s’abstenir de pruderie et de réticences.

Ces lignes expliqueront peut-être suffisamment une conception qu’on pourrait appeler le Naturalisme de la pensée.

Les impressions neuves, même qu’un peu neuves, sont rares au Parisien. Il pourrait en découvrir, peut-être, mais si loin ! s’enfuir au pôle ou à l’équateur, entrer dans une mosquée, s’introduire au sérail… au reste, vivre dans la neige ou respirer le soleil, prier nu-tête ou nu-pieds, voir des femmes s’ennuyer comme s’ennuient d’autres pensionnaires : tout cet inconnu lui serait-il bien nouveau ?

Quel est l’homme de trente ans, amoureux de sentir, qui n’a éprouvé toutes les émotions, tous les tressaillements ? En quinze années, il a admiré, aimé, souffert, espéré : toute la formule de la vie.

C’est d’abord, au collège, par besoin et par obéissance, les enthousiasmes sans quartier, les cultes idolâtres qui s’attiédiront plus tard. Il en sort, le voilà libre : sur le trottoir, une fille lui fait un signe : il la suit, rougissant de désir et de honte. La rue est déserte, la maison ignoble, la femme repoussante, et il se cache et il rase les murs. Il monte et rougit encore devant le