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SODOME.

rageait de l’aimer, et pourtant il le fallait, puisque là était le salut.

Il y eut alors une double lutte, la lutte de Soran contre lui-même et contre elle. Il pourrait sembler bizarre qu’il s’y fût exposé, mais l’abbé Gratien n’avait-il pas pris dans cet esprit la puissance que cet esprit avait perdue sur lui-même. Une grande nonchalance et une grande faiblesse, à ce moment, décida donc de la vie de Jacques et de celle de Berthe Gouvaut. Par des suggestions de tous les instants, par des supercheries louables, l’abbé Gratien arriva à son but. Un jour Jacques éprouva une moins grande aversion pour Berthe : un peu de vanité aussi, ces témoignages d’admiration d’une jeune fille le circonvinrent.

L’abbé était presque parvenu à chasser des souvenirs de Jacques l’image néfaste : son cœur, momentanément plus libre, ne put rester vide, Berthe y entra. Maintenant, ne comparant plus, il la trouva intéressante dans ses tâtonnements d’enfant, dans sa bonne volonté de fiancée voulant se rendre digne d’être aimée. Entrevit-il quelque lueur dans cet esprit mal débrouillé ? Espéra-t-il que dans un patient façonnement il le formerait à l’image du sien ?

Dès lors Berthe remarqua un changement