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LE MONDE.

l’entourer d’un bonheur parfait. Oubliant cette surexcitation de son esprit avec une docilité absolue aux conseils incessants de l’abbé Gratien, il fut sincère. Combien il était heureux maintenant ! combien il fut heureux ce jour-là !

Mlle Berthe Gouvaut, au moment où son cœur était rempli de cet Être sublime, lui avait semblé très insignifiante, type ordinaire de la médiocrité féminine : prétentieuse un peu, prétendant s’élever beaucoup. Ils causèrent souvent ; assez perspicace, comme il est commun aux femmes, elle pressentit la grandeur de Soran : elle voulut être profonde, elle fut ennuyeuse suffisamment : il se rappelait alors le mystérieux enjouement de Celle qu’il aimait ou de Celui, plutôt, qui avait traversé sa vie, l’abandonnant désespéré. Quelquefois, dans ce salon de la rue de Lille, lorsqu’il venait, fiancé maintenant, ils se trouvaient seuls.

Mlle Berthe Gouvaut, très éprise, l’admirant naïvement de très loin, voulait rapprocher leurs cœurs, elle voulait le conquérir. Il sentait ses efforts, et tout autre que Soran eût été fier et heureux.

Parfois, il se faisait illusion et soudain un seul mot le replongeait dans la tristesse : il se décou-