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SODOME.

tristesse, avec comme un orgueil d’être si malheureux. Est-ce suffisamment dire que, par une sorte de loi d’équilibre, cette volonté si forte d’autrefois s’était annihilée et avec elle cette intuition si aiguë qui, jadis, était presque une divination. Facilement cependant, il vit bientôt que Mlle Gouvaut l’aimait… L’abbé aurait-il raison, était-ce là le Sauveur ; Dieu enfin, venait-il à son secours ?

Son existence actuelle était monotone comme toujours, plus monotone peut-être, car moins volontiers maintenant il se livrait à l’étude. Il trouvait dans la musique une grande consolation. Mais, selon cette évolution de sa nature, il négligeait un peu la musique sacrée, trop austère pour son âme endolorie. Chopin, avec sa langue troublante, le séduisait surtout ; il passait des heures à lire ces pages passionnées, si empreintes d’un tempérament de femme, œuvre, si l’on veut, d’un esprit androgyne, comme celui qu’il aimait. Cette musique, que quelques natures timorées trouvent trop malsaine pour la permettre aux jeunes filles, eut peut-être sur lui une influence funeste dans sa sensualité si alliciante. C’est sans doute à cette époque que la vie de Soran fut le plus remplie de heurts et de cahots : ses sens, qu’il