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LE MONDE.

charnels, impuissant à séparer un sentiment sensuel d’un amour purement idéal, incapable en un mot de purifier une amitié qui ne pouvait plus être légitime, Jacques avec tous ses désirs et tous ses regrets était en état habituel de péché mortel. Que devait faire le prêtre dans ce cas ?…

Simple et vulgaire, comme le curé de Noirchain, il eût recommandé la prière et la volonté ; l’abbé Gratien dans son intelligence et son expérience pensa qu’il était besoin d’autre secours. Sans doute il ordonna à Jacques de prier, il lui imposa même des pénitences. Mais ces remèdes ne devaient-ils pas être vains ? N’était-ce pas là un peu la manière d’un médecin qui ordonnerait de longues marches à un impotent ? Jacques, du reste, ne cacha pas l’impuissance du curé de Noirchain, et lui qui n’avait jamais trouvé sa force que dans la prière, se croyait perdu sans retour maintenant que celle-ci était inutile.

L’abbé Gratien fut, dans cette circonstance, suprêmement adroit. Avec un tact parfait, il commença d’abord par blâmer Jacques de son découragement ; il réveilla cette vanité que renferment toujours les esprits les plus grands ; il lui persuada que son état n’était pas désespéré, et qu’il était toujours pur malgré quelques