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SODOME.

l’on veut, en restant encore dans le domaine purement intellectuel, un sodomite malgré lui ? Et, dans ce cas peut-être unique, se présentait cette étrangeté, qu’il eût été moins coupable, innocent même, si ses premiers sentiments avaient été moins purs : s’il n’avait été séduit, en effet, que par les trompeuses apparences d’un androgyne vulgaire, il eût rougi sans doute de sa méprise et l’eût oublié aussitôt. Mais hélas ! n’était-il pas nécessaire pour le malheur de Soran que l’espèce se compliquât ; l’amour de Jacques n’avait-il pas toujours été, jusqu’au moment où les sens parlèrent, un platonisme sublime qu’on eût pu admirer même entre deux hommes, n’était-ce pas l’esprit qui d’abord avait été épris d’une passion légitime ? Aujourd’hui que la triste vérité était connue de Soran, le côté tout intellectuel de cette passion pouvait-il s’éteindre, cet amour même n’était-il pas excusable ? L’abbé Gratien dut se l’avouer ; mais de graves considérations intervenaient, des scrupules, des craintes, s’imposaient ; le corps était là, la chair, les sens enfin qui, ayant été surexcités, ne pouvaient plus se soumettre maintenant et qui, brutalement, transformaient une passion sublime en un vice contre nature. Ne pouvant donc dominer des désirs