Page:Argis - Sodome, 1888.djvu/154

Cette page a été validée par deux contributeurs.
138
SODOME.

n’ai-je pas besoin plus que jamais d’être votre pénitent ? » L’abbé Gratien fut touché sans doute de tant d’affection et avec une bonté parfaite : « Eh bien ! mon cher enfant, mon cher Jacques, dit-il, devinant une pauvre âme malade, vous n’êtes pas trop pressé, je pense, venez dîner avec moi, nous causerons beaucoup ; je reste tout près, proche de l’église Saint-Séverin. » Ils prirent la rue de La Harpe.

Ils marchaient maintenant silencieusement, ayant tant de choses à se dire.

L’abbé Gratien devait avoir une quarantaine d’années, Jacques Soran avait alors à peu près dix ans de moins. Entre deux hommes de cet âge, la différence est petite et l’intimité peut être grande, l’esprit ayant à peu près un développement égal. Et cependant, en se rappelant leurs rapports au collège, Jacques se regardait comme un enfant auprès de l’abbé, et il lui témoignait un respect, il avait pour lui des prévenances qui marquaient bien cet abîme qui, dans son esprit, devait le séparer d’un prêtre.

Le prêtre n’est-il pas toujours, même pour un homme intelligent comme Soran, un être mystérieux, bizarre, pour dire le mot, occupant une place à part dans une société qui s’étonne cependant tous les jours moins facilement. Au-