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SODOME.

tale, comme si Dieu avait voulu, dans cet appareil de terreur, élever son âme et commencer affreusement l’odyssée de tortures dont il ne voyait pas la fin. Il souffrit, en ce moment, toutes les souffrances de cette heure ; il voulut en détourner son esprit, mais, après plus de dix ans, il ressentit avec une netteté inéluctable toutes ses anciennes sensations : après le brusque étonnement, impression toute physique, dans l’inattendu d’un tel accident, les cris de sa mère mutilée avaient déchiré ses oreilles. Il s’était penché sur elle, trouvant, pour la calmer, de sublimes caresses, et, un moment, dans le délire, elle le repoussa durement : longtemps, alors, il sanglota, voyant encore le doigt de Dieu dans la réapparition à cette heure suprême des mauvais moments d’autrefois, expiation de péchés qu’il n’avait pourtant pas commis, expiation anticipée, pensait-il maintenant. Toutes ces réflexions le hantaient douloureusement aujourd’hui : même il sentit un instant l’horrible odeur phéniquée.

Il s’enfuit à grands pas de ce lieu néfaste. Il retrouva le quartier Latin si répugnant autrefois ; aujourd’hui, en voyant tous ces jeunes gens (n’était-il pas, lui, un vieillard ?), il les trouva charmants dans leur bruyante inconscience ; il