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SODOME.

Le lendemain de cette scène qui devait décider du sort de son existence, triste sort (pourquoi le cacher, puisqu’on le devine ?), après une nuit affreuse, nuit encore de lutte terrible, comme il avait accoutumé d’en avoir maintenant, cet homme qui devait lutter sans cesse, il voulut revoir cet être monstrueux et sublime, preuve éclatante de l’impossibilité des rêves qu’il avait jusque-là caressés. Il alla à sa demeure ; avec quelle émotion il la demanda, avec quel désespoir il apprit que le matin même, elle était partie pour un long voyage.

— Mademoiselle est absente, lui dit-on, mais son père est là, revenu lui-même aujourd’hui.

Jacques, résolu à dissimuler, voulant tenter d’apprendre quelque chose, se fit introduire.

Un vieillard sévère et triste le reçut.

— Je sais tout, Monsieur ; vous aimez ma fille, mais c’est impossible, impossible (et le vieillard, triste et sévère, répéta ces deux mots comme avec la douleur de lutter, lui aussi, contre une invincible fatalité). Elle est partie, Monsieur ; moi-même je vais la rejoindre aujourd’hui, nous quittons ce pays pour toujours.

Que pouvait faire Jacques, sinon de fuir un séjour à jamais insupportable ? Il prit congé du