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LA RETRAITE.

par eux-mêmes qui les aidait puissamment à les supporter. L’un surtout, avec un mal perforant aux débuts anodins qui lui avait raccourci la jambe après des amputations trop timides et forcément renouvelées, en avait pris son parti assez facilement : dans les pansements, il regardait son membre atrophié en maugréant légèrement, et tenait les bandes, et passait la gaze à l’interne ; il examinait sa maudite jambe, comme il disait, avec une extériorité parfaite, questionnant, s’entretenant de la dernière amputation avec satisfaction et parlant de la prochaine sans trop de crainte.

Jacques en ce moment songeait à ce malade qui l’avait tant frappé par son stoïcisme, et douloureusement d’abord, puis assez aisément, il l’imita, se contemplant lui-même dans sa décomposition morale, s’analysant, se disséquant, et il en retira une âpre jouissance.

Il était bien en ce moment sur un lit d’hôpital, mais pâtissant plus terriblement, sans l’entraînement à la souffrance, après une enfance si resplendissante de santé et de force.

Ce qu’il chérissait le plus en lui-même, la volonté d’abord, la piété et la chasteté disparaissaient peu à peu, rongées par un mal qu’il ne pouvait arrêter, sans nul médecin ; qu’eût fait là