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LA RETRAITE.

— Oui, dit-elle, dans la contemplation de nos âmes.

Cette redite de ce qu’il venait de dire le peina subitement ! Ainsi, elle semblait frapper leur vie d’un platonisme absolu, et puisqu’elle aimait son âme, pourquoi n’aimerait-elle pas son corps qu’il avait beau ? Sans doute il lui avait fait seulement entrevoir un amour au-dessus de la nature, mais pourquoi en ce moment désirait-il autre chose et pourquoi dans ce corps qu’il avait voulu jusqu’alors oublier, les sens parlaient-ils avec une force inconnue ?

 

Brusquement et doucement il se pencha sur elle et, dans une revanche terrible de tout son être, il voulut la serrer dans ses bras.

Elle se dégagea avec une énergie inattendue et, nullement froissée, simplement :

— Jurez-moi une fraternité absolue.

Il pensa éclater, mais resta très calme dans une surexcitation terrible. Il était donc le jouet d’une désespérante fatalité et son pauvre cœur, ballotté sans cesse, devait donc sans cesse passer par des alternatives de bonheur illusoire et de malheur complet : il croyait toucher au calme enfin, et le calme lui échappait et, avec tout son funèbre cortège, le chaos rentrait en son âme.