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SODOME.

pour lui qui ne s’était jamais amusé.

Elle marchait à son bras, s’y reposant comme une sœur cadette — elle devait avoir dix-huit ans — avec une confiance, et une candeur qui ne laissait pas de le troubler un peu. Résultat d’une éducation américaine et libre, ou d’une naïveté ignorante et non soupçonneuse ? Jacques avait peine à se décider.

Ils arrivèrent au petit kiosque, dans le fond du parc, formant belvédère. Jacques y avait fait installer un réduit sévère mais assez confortable. Devant les yeux, au travers d’une large baie, comme un immense tableau dans un petit cadre, des prés sans fin se déroulent avec de petits bois çà et là. Un piano (pas de cahiers de musique) et un divan, un grand christ et c’était tout.

Elle monta, pour voir la vue, lui dit Soran, et ils rirent tous deux. Elle regarda un instant, puis se mit au piano. Ses doigts vagabondèrent d’abord dans une rêveuse improvisation où Jacques pensa retrouver le trouble d’une âme qui se cherche.

Peu à peu les idées se précisèrent, ne furent bientôt plus siennes :

Un Adagio, dans le plus triste des tons peut-être, des arpèges en triolets comme voulant toujours s’élever et retombant sans cesse dans une