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LA RETRAITE.

Ensuite, il avait réfléchi ; ses idées même avaient changé ; il trouva odieuse cette division d’un sentiment un, en somme ; comment avait-il pu désirer cette incohérence, cette monstruosité d’un triple ménage, pour le dire platement, si en dehors de tous les temps et de toutes les mœurs ? n’était-ce pas le rêve malade d’un cerveau mal équilibré ?

Au surplus, en admettant même que ce paradis souhaité n’eût rien d’immoral (et peut-être eût-il pu le démontrer), n’était-il pas irréalisable : d’abord dans la rencontre de ces deux natures d’élite qu’il voulait, et puis, surtout, dans la possibilité de les rendre supportables l’une à l’autre. Quelle femme admettrait jamais le partage de ce qu’elle pense le plus précieux, l’abandon à elle-même de la personnalité de celui qu’elle aime, et quel homme serait assez semblable à Soran, serait-il, lui, semblable à lui-même, pour supporter une infidélité constante et habituelle, à craindre du moins, de l’esprit ?…

Ce raisonnement était un premier acheminement vers la sagesse, une première étape vers des idées plus saines, la montée d’une pente un peu glissante, le retour enfin au vrai : de ce moment naquit ce besoin de retraite, ce revenez-y à des idées religieuses, puis à une dévotion pra-