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LA RETRAITE.

suppliants comme pour chercher un être animé, un paysan ou un mineur, des femmes ou des enfants, qui lui donneraient un peu, à lui si moribond, le spectacle consolateur de la vie.

Il marchait quand un spectacle inattendu l’arrêta.

Au milieu d’un champ en friche, une femme était assise sur un pliant, en face d’un chevalet, la brosse à la main : devant elle, un paysage uniforme monotone et gris, avec de rares bouquets d’arbres, car de ce côté la nature est plus sauvage et moins gaie qu’en arrivant à Noirchain, témoignait, par un tel choix, d’une âme élevée d’artiste, d’un cœur triste aussi, sans doute, d’une compréhension bien profonde de la nature nue.

Jacques resta bouche bée ; dans ce lieu perdu qu’il considérait comme sien, qu’il ne croyait habité que par des troupeaux, des mineurs, et des paysans, et lui-même, surtout, un être semblable à lui, un frère de la grande famille de ceux qui souffrent et qui admirent, il ne pouvait en douter, partageait son monopole !

Ah ! loin de lui maintenant cette misanthropie et ces idées de réclusion ! au diable, enfin, la solitude et le mutisme ! il avait besoin de paroles, et, dans un blasphème, fruit d’une trop