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Thérèse

dans un mois : temps que j’allai paſſer avec Madame C.... à ſa maiſon de campagne éloignée d’une petite lieue de la Ville : Monſieur l’Abbé y venoit réguliérement tous les jours & y couchoit, lorſque ſes devoirs le lui permettoient. L’un & l’autre m’accabloient de careſſes ; on ne craignoit plus de tenir devant moi des propos aſſez libres, de parler de matieres de Morale, de Religion, de ſujets Métaphyſiques, dans un goût bien différent des principes que j’avois reçus. Je m’appercevois que Madame C… étoit contente de ma façon de penſer & de raiſonner, & qu’elle ſe faiſoit un plaiſir de me conduire, de conſéquence en conſéquence, à des preuves claires & évidentes. Quelquefois ſeulement j’avois le chagrin de remarquer que M. l’Abbé T… lui faiſoit ſigne de ne pas pouſſer ſi loin ſes raiſonnemens ſur certaines matieres. Cette découverte m’humilia ; je réſolus de tout tenter pour être inſtruite de ce que l’on vouloit me cacher. Je n’avois pas juſqu’alors formé le moindre ſoup-