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Thérèse

Ce fut ainſi, mon cher Comte, que le Pere Dirrag conduiſit par dégrés ſa nouvelle Pénitente à ſouffrir pendant pluſieurs mois ſes impudiques embraſſemens, lorsqu’elle ne croyoit jouir que d’un bonheur purement ſpirituel & céleſte.

C’eſt d’elle que j’ai ſçu toutes les circonſtances, quelque temps après le jugement de ſon procès. Elle me confia que ce fut un certain Moine (qui a joué un grand rôle dans cette affaire) qui lui deſſilla les yeux. Il étoit jeune, beau, bien fait, paſſionnément amoureux d’elle, ami de ſon pere & de ſa mere, chez qui ils mangeoient ſouvent enſemble. Il s’attira ſa confiance ; il démaſqua l’impudique Dirrag ; & je compris ſenſiblement, à travers de tout ce qu’elle me dit, qu’elle ſe livra alors de bonne foi aux embraſſemens du luxurieux Moine : j’entrevis même que celui-ci n’avoit pas démenti la réputation de ſon Ordre, & par une heureuſe conformation, comme par des leçons redoublées, il dédommagea amplement ſa nouvelle Proſélite du