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Thérèse

étoit entre nous, nous rendoit inſéparables. Toutes deux vertueuſes, notre paſſion dominante étoit d’avoir la réputation d’être ſaintes, avec une envie déméſurée de parvenir à faire des miracles. Cette paſſion la dominoit ſi puiſſamment, qu’elle eût ſouffert, avec une conſtance digne des Martyrs, tous les tourmens imaginables, ſi on lui eût perſuadé qu’ils pouvoient lui faire reſſuſciter un ſecond Lazare : & le P. Dirrag avoit, pardeſſus tout, le talent de lui faire croire tout ce qu’il vouloit.

Eradice m’avoit dit pluſieurs fois, avec une ſorte de vanité, que ce Pere ne ſe communiquoit tout entier qu’à elle ſeule ; que dans les entretiens particuliers qu’ils avoient ſouvent enſemble chez elle, il l’avoit aſſurée qu’elle n’avoit plus que quelque pas à faire pour parvenir à la ſainteté ; que Dieu le lui avoit ainſi révelé dans un ſonge, par lequel il avoit connu clairement qu’elle étoit à la veille d’opérer les plus grands miracles, ſi elle continuoit de ſe laiſſer conduire par les dégrés de vertu & de mor-