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Thérèse

de ſa part à mon Couvent, avoit connu d’abord le principe de ma maladie. Cette liqueur divine qui nous procure le ſeul plaiſir phyſique, le ſeul qui ſe goûte ſans amertume, cette liqueur, dis-je, dont l’écoulement eſt auſſi néceſſaire à certains tempéramens, que celui qui réſulte des alimens qui nous nourriſſent, avoit reflué des vaiſſeaux qui lui ſont propres, dans d’autres qui lui étoient étrangers ; ce qui avoit jetté le déſordre dans toute la machine.

On conſeilla à ma mere de me chercher un mari, comme le ſeul remède qui pût me ſauver la vie. Elle m’en parla avec douceur ; mais infatuée que j’étois de mes préjugés, je lui répondis ſans ménagement, que j’aimois mieux mourir que de déplaire à Dieu, par un état auſſi mépriſable, qu’il ne toléroit que par un effet de ſa grande bonté. Tout ce qu’elle put me dire, ne m’ébranla point, la nature affoiblie ne me laiſſoit aucune eſpece de déſirs pour ce monde je n’enviſageois que le bonheur qu’on m’avoit promis dans l’autre.