Page:Argens - Thérèse philosophe (Enfer-402), 1748.djvu/38

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
20
Thérèse

ſir ne le conduiſe dans la grande allée. Mais quelque côté qu’il choiſiſſe, ce ſera toujours une raiſon, un deſir qui le décidera invinciblement à prendre l’un ou l’autre parti qui contiendra ſa volonté.

Pour admettre que l’homme fût libre, il faudroit ſuppoſer qu’il ſe déterminât par lui-même : mais s’il eſt déterminé par les dégrés de paſſion, dont la nature & les ſenſations l’affectent, il n’eſt pas libre ; un dégré de deſir plus ou moins vif le décide auſſi invinciblement, qu’un poids de quatre livres en entraîne un de trois.

Je demande encore à mon dialogueur, qu’il me diſe qu’eſt-ce qui l’empêche de penſer comme moi ſur la matiere dont il s’agit ici, & pourquoi je ne peux pas me déterminer à penſer comme lui ſur cette même matiere. Il me répondra ſans doute que ſes idées, ſes notions, ſes ſenſations le contraignent de penſer comme il fait. Mais de cette réflexion qui lui démontre intérieurement qu’il n’eſt pas maître d’avoir la volonté de penſer comme moi, ni