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Philosophe.

des mouvemens, qui, en vous dérobant, comme malgré vous, cette liqueur divine, vous conduiſoient à la volupté & rétabliſſoient le calme dans votre ame.

Je remarquois que, dès que l’éguillon de la chair étoit émouſſé, ſous prétexte du goût que j’avois pour les matieres Morale & de Métaphiſique, vous employez la force du raiſonnement pour déterminer ma volonté à ce que vous déſiriez de moi.

C’eſt l’amour propre, me diſiez-vous un jour, qui décide de toutes les actions de notre vie. J’entends par amour propre cette ſatisfaction intérieure, que nous ſentons à faire telle ou telle choſe. Je vous aime, par exemple, parce que j’ai du plaiſir à vous aimer. Ce que j’ai fait pour vous, peut vous convenir, vous être utile ; mais ne m’en ayez aucune obligation. C’eſt l’amour propre qui m’y a déterminé : c’eſt parce que j’ai fixé mon bonheur à contribuer au vôtre ; & c’eſt par ce même motif, que vous ne me rendrez parfaitement heureux, que lorſque votre amour propre y trouvera