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Philosophe.

épuré, chez les perſonnes qui penſent ; & je crains peu les ſots. Non, vous n’eſſuyerez jamais un refus de votre tendre Thereſe ; vous verrez tous les replis de ſon cœur dès ſa plus tendre enfance ; ſon ame toute entiere va ſe développer dans les détails des petites avantures qui l’ont conduite, comme malgré elle, pas à pas, au comble de la volupté.

Imbéciles mortels ! vous croyez être maîtres d’éteindre les paſſions que la nature a miſes dans vous, elles ſont l’ouvrage de Dieu. Vous voulez les détruire ces paſſions, les reſtraindre à de certaines bornes. Hommes inſenſés ! Vous prétendez donc être de ſeconds Créateurs plus puiſſans que le premier ? Ne verrez vous jamais que tout eſt ce qu’il doit être, & que tout eſt bien ; que tout eſt de Dieu, rien de vous ; & qu’il eſt auſſi difficile de créer une penſée, que de créer un bras, ou un œil.

Le cours de ma vie eſt une preuve inconteſtable de ces vérités. Dès ma plus