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Philosophe.

que j’ai encore à te dire ; & par ta docilité à ſuivre mes conſeils, mets-toi en état de réparer le tort que te fait le Préſident. C’eſt par ſes ordre, continua ma mere, que je t’ai enlevée il y a huit ans. Il m’a payé depuis ce temps une penſion très-modique, que j’ai bien employée & au-de-là pour ton éducation. Il m’avoit promis qu’il nous donneroit à chacune cent louis, lorſque ton âge lui permettroit de prendre ton pucelage ; mais ſi ce vieux paillard a compté ſans ſon hôte, ſi ſon viel outil, roüillé, ridé & uſé, le met hors d’état de tenter cette avanture, eſt-ce notre faute ? Cependant il ne m’a donné que les cent louis qui me regardent ; mais ne t’inquiète pas, ma chere Manon, je t’en ferai gagner bien d’autres. Tu es jeune, jolie, point connuë : je vais, pour te faire plaiſir, employer cette ſomme à te bien nipper ; & ſi tu veux te laiſſer conduire, je te ferai faire à toi ſeule le profit que faiſoient ci-devant dix ou douze Demoiſelles de mes amies.

Après mille autres propos de cette eſpe-