Page:Argens - Thérèse philosophe (Enfer-402), 1748.djvu/152

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
128
Thérèse

Je ſautai au col de la Bois-Laurier que je remerciai de tout mon cœur, & j’avoue de bonne foi que le ton d’aſſûrance avec lequel elle me parloit, me perſuada que ma fortune étoit certaine.

Qu’une fille ſans expérience, avec beaucoup d’amour propre, eſt ſotte ! Les leçons de l’Abbé T… m’avoient bien deſſillé les yeux ſur le rôle que nous devons jouer ici bas eu égard à Dieu & aux loix des hommes ; mais je n’avois aucune eſpece de connoiſſance de l’uſage du monde. Tout ce que je voyois, ce qu’on me diſoit, me paroiſſoit rempli de la probité que j’avois trouvée dans Madame C… & dans l’Abbé T… & je croyois le ſeul Dirrag un méchant homme. Pauvre innocente ! Que je me trompois groſſierement !

Le Financier B… arriva chez Madame Bois-Laurier, vers les cinq heures du ſoir, On emploïa ſans doute les premiers quarts d’heures de cette viſite à toute autre choſe qu’à s’entretenir de moi. La Niéce étoit trop fine pour ne pas mettre l’Oncle dans