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Thérèse

Concluons donc, ma chere amie, que les plaiſirs que nous goûtons vous & moi, ſont purs, ſont innocens, puiſqu’ils ne bleſſent ni Dieu, ni les hommes, par le ſecret & la décence que nous mettons dans notre conduite. Sans ces deux conditions, je conviens que nous cauſerions du ſcandale & que nous ſerions criminels envers la ſociété : notre exemple pourroit ſéduire de jeunes cœurs deſtinés par leurs familles, par leur naiſſance à des emplois utiles au bien public, dont ils négligeroient peut-être de ſe charger, pour ne ſuivre que le torrent des plaiſirs.

Mais, repliqua Madame C… ſi nos plaiſirs ſont innocens, comme je le conçois préſentement, pourquoi au contraire ne pas inſtruire tout le monde de la maniere d’en goûter du même genre ? Pourquoi ne pas communiquer le fruit que vous avez tiré de vos méditations métaphyſique, à nos amis, à nos concitoyens, puiſque rien ne pourroit contribuer davantage à leur tranquillité & à leur bonheur ? Ne m’avez-