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Thérèse

Dieu ! Eſt-ce que la gloire de Dieu peut-être augmentée par l’imagination, par les actions des hommes ? Peuvent-ils augmenter quelque choſe en lui ? Ne ſe ſuffit-il pas à lui-même.

Comment des hommes ont-ils pu s’imaginer que la Divinité ſe trouvoit plus honorée, plus ſatisfaite, de leur voir manger un harang qu’une moviette, une ſoupe à l’oignon qu’une ſoupe au lard, une ſolle qu’une perdrix ; & que cette même Divinité les damnerait éternellement ſi dans certains jours ils donnoient la préférence à la ſoupe au lard ?

Foibles mortels ! Vous croyez pouvoir offenſer Dieu ! Pourriez-vous ſeulement offenſer un Roi, un Prince, qui ſeroient raiſonnables ? Ils mépriſeroient votre foibleſſe & votre impuiſſance. On vous annonce un Dieu vengeur, & on vous dit que la vengeance eſt un crime. Quel contradiction ! On vous aſſûre que pardonner une offenſe, eſt une vertu : & on oſe vous dire que Dieu ſe venge d’une offenſe invo-