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Thérèse

prudence, qui retire l’oiſeau de ſon nid, & qui répend le beaume de vie au dehors, ne fait-il pas également un crime ; car il faut convenir que les uns & les autres nous ſupprimons à la ſociété un citoyen qui pourroit lui devenir utile.

Ce raiſonnement, répliqua l’Abbé, paroît d’abord ſpécieux ; mais vous allez voir, ma belle Dame, qu’il n’a cependant que l’écorce. Nous n’avons aucune loi humaine ni divine qui nous invite, & encore moins qui nous contraigne de travailler à la multiplication du genre humain. Toutes ces loix permettent le célibat aux garçons & aux filles, à une foule de Moines fainéans & Réligieuſes inutiles : elles permettent à l’homme marié d’habiter avec ſa femme groſſe, quoique les ſemences alors répandues, le ſoient ſans eſpérance de fruit. L’état de virginité eſt même réputé préférable à celui du mariage. Or, ces faits poſés, n’eſt-il pas certain que l’homme qui triche, & ceux qui, comme nous, jouiſſent des plaiſirs de la petite oye, ne font rien