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Les Lettres Juives, sur-tout, lui firent le plus de réputation ; le roi de Prusse, qui n’était alors que prince royal, les lut et voulut en connaître l’auteur ; il désira même l’attacher à son service, espérant le tirer par-là de l’état fâcheux où sa jeunesse l’avait jeté ; il lui écrivit donc, et lui fit des offres, utiles et honorables. Tout semblait assurer que le marquis accepterait avec d’autant plus d’empressement, qu’on ne lui proposait que de vivre en amis, et de philosopher ensemble ; cependant sa réponse ne fut point telle qu’on l’attendait. Après des témoignages d’une juste reconnaissance, il ajouta « Daignez considérer Monseigneur, que pour me rendre auprès de vous il faudrait passer bien près des trois bataillons de gardes qui sont à Postdam ; le puis-je sans danger, moi qui ai cinq pieds sept pouces et qui suis assez bien fait de ma personne#1 ?

Il n’eût peut-être pas été sûr en effet, pour le marquis d’Argens, âgé alors d’environ trente ans ; de venir en Prusse, et si près de la demeure de Frédéric-Guillaume, père de celui qui lui écrivait.

Le monarque était un homme dur, ennemi des lettres, et mettant toute sa gloire et son