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selon l’esprit de la constitution, afin que tous les citoyens de l’Ouest et du Sud, sans distinction, pussent jouir, après dix-huit années de révolutions et de despotisme, de tous leurs droits, et comprissent l’immense différence existante entre le passé et le présent ; — à mettre en pratique la justice envers tous, la modération dans les procédés et l’humanité dans les actes du chef de l’État et de ses subordonnés, pour attacher les cœurs à la République, convaincre les esprits de l’excellence de ce régime, de la préférence à lui accorder sur le régime opposé ; — à obtenir, par ce moyen, des résultats si heureux pour l’Ouest et le Sud, que l’Artibonite et le Nord, par la comparaison de leur malheureux sort, reconnussent à leur tour l’excellence du régime républicain et brisassent le joug sous lequel ils allaient gémir, afin de se réunir aux deux premiers départemens et de reconstituer l’unité haïtienne, sans effusion de sang. Cet immense résultat qu’il espérait obtenir, qu’il annonçait à tous, devait mettre la République en mesure de résister aux Français établis dans l’Est d’Haïti, et même amener à la fin l’unité politique par l’unité territoriale. Il n’en doutait pas, il le disait journellement pour fermer la bouche à ses détracteurs.

Voilà tout le système de Pétion et ses préoccupations incessantes. Voilà comment il comprenait ce pouvoir auquel il aspirait, et que le pays fut heureux de voir confier à sa sagesse, parce qu’il justifia son attente, en prouvant encore aux peuples civilisés, que les hommes de la race noire sont capables aussi de se gouverner régulièrement et de respecter les droits des autres. Il était ambitieux, sans doute ; mais son ambition, qui obtint de tels résultats, fut-elle nuisible ou profitable à son pays ?