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consenti à être l’instrument de cette perfidie, pour faire couler le sang de ses propres compatriotes. Ils auraient organisé la révolte dans les vues, l’un et l’autre, de servir la cause de Christophe ; et finalement, Bergerac devait fuir à l’étranger, en emportant des sommes assez importantes, et laissant Thomas, chef de la Grande-Anse[1].

Cette accusation portée contre eux repose sur diverses erreurs, sinon sur la malveillance. D’abord, il n’est pas vrai que Bergerac eût pris le commandement de la 18e à la mort de Bazile, puisque la lettre de Férou, du 22 octobre, au chef de bataillon Henry, citée plus avant, prouve le contraire ; mais il assistait ce général, malade, dans celui de l’arrondissement. Ce dernier ne mourut que le 16 janvier, huit jours après la naissance de l’insurrection. C’est le général Vaval qui fut d’abord envoyé pour le remplacer ; mais avant son arrivée à Jérémie, Bergerac, encore simple chef de bataillon, dut avoir le commandement supérieur. À ce grade, il ne pouvait avoir la prétention de commander cet arrondissement. Les militaires de cette époque ne prétendaient pas devenir d’emblée, général de brigade ou de division, parce qu’ils auraient pris la plus mince part à un mouvement révolutionnaire ; ils voulaient tous gagner leurs grades, ou sur le champ de bataille ou par de longs services. Bergerac ne pouvait donc pas être mécontent, en apprenant par son frère Théodat, l’intention qu’avaient Pétion et Gérin d’envoyer à Jérémie, Francisque, vieux colonel, pour commander l’arrondis-

  1. M. Madiou déclare tenir ces renseignemens de Michel Merlet aîné et de plusieurs autres vieillards de Jérémie. Nous ne pouvons reproduire tous les faits relatés dans les pages 383 et 384 de son 3e volume, à la charge de Bergerac Trichetet de Thomas Durocher : peut-être suffit-il de l’intention prêtée au premier, de fuir à l’étranger, pour démontrer l’injustice de ces imputations.