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ne se propage dans le Nord, j’ai cru prudent de prendre, avant de me déplacer, des mesures qui tendent au maintien de l’ordre dans les deux divisions. J’ai ordonné l’habillement et la solde des troupes. Du moment qu’il me sera permis de m’absenter, vous me verrez voler auprès de vous. Ne vous laissez pas, chère commère, accabler par le chagrin. Vous me connaissez, ayez une entière confiance en moi ; je ferai tout ce que l’honneur exige de moi pour éviter l’effusion du sang entre nous. Le grand projet de nos ennemis est donc rempli ![1] Ils ont enfin réussi à mettre la division dans l’Empire ! Et dans quel moment ? À la veille d’une pacification générale en Europe, où nous ne devrions songer qu’à finir nos fortifications et attendre l’ennemi. De grands coupables ont joué un rôle dans cette affaire.

Je ferai tout ce que mon devoir m’ordonnera de faire ; je prendrai Dieu à témoin de mes actions. Ayez soin de vos enfans[2]. J’ai écrit au ministre des finances, s’il croyait que vous et votre intéressante famille, couriez quelques risques, de me le faire savoir tout de suite ; je vous enverrais chercher ainsi que vos enfans, pour venir auprès de mon épouse qui est dans les alarmes et qui gémit comme moi sur ce cruel événement.

Je vous embrasse de tout cœur et avec un dévouement sans bornes.

Signé : Henry Christophe.

Digne élève de Toussaint Louverture, H. Christophe parlait de grands coupables, afin d’ôter jusqu’à l’ombre du soupçon, dans l’esprit de la Veuve de Dessalines, qu’il eût trempé ses mains dans cette affaire, dans le sang de son mari ; mais il venait de les tremper dans celui de Capois ! Jusqu’aux embrassades qu’il envoyait à cette vertueuse femme, qui nous rappellent celles que son ancien chef en-

  1. Le projet des Français.
  2. Madame Dessalines n’avait point d’enfans ; mais elle considérait comme telles, de jeunes personnes qu’elle avait prises sous sa protection et qu’elle faisait élever chez elle, tant son cœur était porté à la bienfaisance, à toutes les vertus.