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Rendu à Marchand, Dessalines y fit fusiller, dès son arrivée, un nommé Dalégrand. Il allait contraindre un officier de garde à son palais, de passer aux verges sa propre mère, quand le colonel Charlolin Marcadieu réussit à l’en dissuader. « Les mots de sang et de massacre sortaient souvent de sa bouche ; il paraissait se défier d’un grand nombre de ses anciens amis ; Mentor presque seul possédait toujours toute sa confiance[1]. »

À cette époque, les Français ou leurs auxiliaires dans l’Est vinrent s’emparer du bourg d’Ouanaminthe ; mais le général Capois les en chassa aussitôt. En avisant Dessalines de ce fait, Christophe lui dénonça Capois comme négligeant son service militaire pour ne s’occuper que d’intrigues. L’empereur chargea, dit-on, le général en chef de surveiller ses moindres démarches ; mais ce dernier se prévalut de cet ordre pour le faire assassiner peu après.

On était alors aux premiers jours d’octobre. Tandis qu’aux Cayes et dans tout cet arrondissement, les populations étaient soulevées contre Dessalines, qui ignorait encore ce mouvement, à Marchand, il contraignait Poutu à vider un duel à mort avec Laurore Gabart, officier de la 4e demi-brigade. Poutu avait reçu une insulte grave de son adversaire. Dessalines décida qu’ils se battraient au pistolet jusqu’à ce que l’un des deux fût atteint mortellement : il assista à ce duel. Au douzième coup, le malheureux Poutu fut tué, aux grands applaudissemensde l’empereur qui se réjouissait de la mort de l’ancien secrétaire de Rigaud, sans se douter que sept jours après, il tomberait lui-même, frappé par les balles des troupes du Sud. Ce duel eut lieu le 10 octobre[2].

  1. Hist. d’Haïti, t. 3, p. 292 et 293.
  2. M. Madiou s’est trompé en portant ce duel au commencement de 1806