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peut-être excédés de travaux, conçurent l’idée de fuir et de gagner la partie de l’Est pour y joindre les troupes françaises ; arrêtés sur la route et ramenés à Marchand, ils venaient d’être sacrifiés par ordre de Dessalines qui était dans toute sa fureur, et qui se promenait sous les galeries du palais en vociférant contre les blancs et leurs partisans : personne n’osait s’approcher de lui en ce moment.

Or, David-Troy, l’ancien ami de Borgella, était en faction sous ces galeries, comme soldat de la 4e demi-brigade. À la vue de ce brave officier, son intime, Borgella fut ému et se porta devant lui pour lui témoigner toute son affection. Selon son habitude, il tenait ses deux mains croisées derrière le dos, quand survint Boisrond Tonnerre qui s’approcha et en saisit une en lui disant : « Bonjour, mon cher Borgella. » Se retournant et le reconnaissant, Borgella retira sa main avec humeur et lui répondit : « Je ne donne la main qu’à mes amis ! » À ces mots, David-Troy applaudit à haute voix.

Dessalines avait tout vu et tout entendu. Remarquant qu’il portait attention à la confusion de Boisrond Tonnerre, Borgella s’approcha de lui avec calme et tout le respect qui lui était dû, et lui dit qu’ayant appris que des calomniateurs l’avaient dénoncé faussement, il venait se présenter à lui pour les démentir. — « Je te crois, répondit Dessalines ; car je suis sûr que tu n’ignores pas que c’est Boisrond et son père qui t’ont dénoncé : ce que tu viens de lui faire me prouve que tu as raison. Tu peux retourner à ton commandement. »

Si ce jugement de Dessalines offre l’équité dont il donnait souvent la preuve, il donne aussi une idée des contrastes que présentait son caractère. Un tel caractère fait