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troubles révolutionnaires et depuis. Le chef qui avait guidé les efforts des indigènes pour conquérir l’indépendance, donnait sans doute toute garantie pour défendre ce droit, et contre la France et contre n’importe quelle autre puissance qui eût voulu l’attaquer ; mais ses antécédens connus avant la lutte glorieuse de 1802 à 1803, laissaient des craintes dans l’esprit de toutes les classes pour son administration à l’intérieur. Cependant, en reportant à Toussaint Louverture la responsabilité des actes qu’il avait commis sous le régime de fer établi par ce chef, on pouvait espérer, jusqu’à un certain point, que Dessalines, éclairé par l’expérience de sa chute, eût pu modifier ses allures pour gouverner avec sagesse.

Peu importait, même aux hommes les plus éclairés, le pouvoir dictatorial qu’il exerçait ; peu importait qu’il y eût une constitution et des lois organiques pour le régler ; peu importait enfin le titre sous lequel il gouvernait : on savait qu’il n’avait pas beaucoup de lumières, mais on pouvait désirer et attendre de lui que son cœur surtout eût la plus grande part dans l’administration des affaires publiques ; car c’est la chose essentielle pour un pays. À défaut des lumières qu’il n’avait pas, il pouvait suppléer par le concours des conseils de ceux de ses compagnons d’armes qui étaient aptes à lui en donner. À tous ses généraux, il avait reconnu la qualité de conseillers d’État, dès le mois de janvier 1804 ; c’était leur reconnaître le droit de l’assister dans le gouvernement et l’administration. Mais le fit-il ? Leur donna-t-il la moindre part dans la direction des affaires de l’État ? Les procédés dont il a usé envers eux répondent à cette question.

En ne s’entourant que d’hommes capables de rédiger des actes avec plus ou moins de passions, dont plusieurs