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mêmes fonctions auprès du gouverneur général, le club pensa qu’il l’avait influencé ; il jura sa perte, et le dénonça en l’accusant de corruption. Il fut courageusement défendu par le colonel E. Laveaux, membre du club ainsi que lui. On remarquera que ces hommes en faisaient partie, afin de tâcher d’en modérer au moins les excès, s’ils ne pouvaient réussir à les empêcher. En prenant la défense de Leborgne, pour le justifier sur ses principes relatifs aux hommes de couleur, Laveaux tint ce discours : « Si c’est un crime, je partage ce crime honorable. Je déclare que je solliciterai pour un citoyen ci-devant de couleur la deuxième place vacante dans le 2e régiment de dragons (ceux d’Orléans) ; je déclare de plus, au nom de mes anciens camarades, admirateurs de l’égalité, amis comme moi des lois, qu’ils applaudiront et verront avec plaisir leur nouvel officier… Croyez qu’il existe encore des conspirateurs qui cherchent à anéantir la volonté nationale, à déc truire la loi du 4 avril. Les malheureux ! le plus saint des dogmes, celui de l’égalité entre les hommes libres, est l’objet de leur haine. Ces infâmes ! sous l’ascendant de la fraternité, ils espèrent d’inspirer à nos frères d’armes leur diabolique préjugé ! »

Nous citons ces paroles de Laveaux, parce que nous aurons occasion d’examiner plus tard, pourquoi cet homme, de même que Leborgne et Rochambeau, a changé de principes à l’égard des hommes de couleur, dont ils assuraient le triomphe en 1792. La conduite de Sonthonax lui-même sera examinée à cet égard.

Quoi qu’il en soit, en reconnaissant par ces faits l’influence pernicieuse qu’exerçait le club, et les agitations qu’il occasionnait, Sonthonax ne pouvait reculer devant