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» Ayant fait sortir la Chambre de la sphère de ses attributions, ils ont accompli un dessein conçu contre elle et détruit le but et l’objet de son institution. En effet, en ouvrant cette constitution qu’ils ont si outrageusement méconnue, nous y lisons : que la Chambre ne peut prononcer de plus fortes peines contre ses membres, que la censure et les arrêts pour quinze jours au plus ; nous nous convainquons que nul député ne peut être recherché pour avoir usé de la liberté tribunitienne ; que les législateurs ne peuvent être poursuivis qu’en vertu des formes légales, et que le droit de les juger est remis à la haute cour de justice.

» C’est donc porter la hache de l’arbitraire sur le pacte social, c’est ériger l’anarchie en système régulier, c’est prouver au peuple haïtien que ses institutions sont purement nominales, c’est faire tomber le voile de l’illusion, que de dévier ainsi des dispositions qui constituent l’existence morale et politique de la Chambre. Eh ! comment ont-ils osé, ceux-là, se croire en droit d’exercer cette puissance incommensurable qui écrase de son poids les droits et les intérêts de tous ! C’est que la crainte et l’espérance, ces deux mobiles du cœur humain, ont été mises en action pour subjuguer la plupart d’entre eux, et qu’ils n’ont pu résister à la pernicieuse influence qui les entraînait ; car, si la raison constitutionnelle les éclairait dans ces instans de turbulence et de déception, ils eussent compris qu’en attaquant le caractère sacré de deux membres de la Chambre, ils se dépouillaient eux-mêmes de l’inviolabilité, et qu’en se plaçant sur le sable mouvant de l’intrigue, ils rendaient leur existence précaire.

» Les menaces qu’on a entendu tomber de la tribune, à la dernière session, et que l’un de nous a relevées dans un