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que les forces cultivatrices y manquent et parce que les denrées n’y obtiennent pas un prix aussi avantageux…

» Les mœurs de la partie du Sud ont un caractère qui les fait différer en plusieurs choses, des mœurs du reste de la colonie. Il me semble qu’elles ont, surtout dans la bande méridionale, moins d’analogie avec ces dernières qu’avec celles des îles du Vent, et l’on peut faire la même observation dans le langage créole. Il est vrai qu’on trouve beaucoup de familles martiniquaises d’origine dans cette étendue. Les nègres y montrent aussi des différences dans leurs usages…

» La plaine des Cayes a un coup d’œil imposant… L’œil se promène avec plaisir sur une surface qui n’attend que les regards du gouvernement pour que ses produits accroissent de près des deux tiers… On ne peut se dissimuler que dans l’état présent des choses, la plaine des Cayes ne peut soutenir le parallèle avec les autres…

» Les habitans de cette plaine et ceux de toute la partie du Sud, demandent un conseil supérieur séant aux Cayes, et par conséquent le vœu de la colonie entière est d’en avoir trois au lieu d’un seul[1].

  1. Depuis 1701, il y avait deux conseils supérieurs ou cours de justice souveraines, l’un au Cap, l’autre à Léogane, et de là au Port-au-Prince. En 1787, celui du Cap fut supprimé et réuni à l’autre, sous le titre de Conseil supérieur de Saint-Domingue. Quelques velléités d’indépendance de la part de celui du Cap, sous le gouvernement de MM. de la Luzerne et de Marbois, avaient occasionné cette mesure provoquée par eux, d’accord avec M. de Lamardelle, procureur général au Port-au-Prince : de là l’irritation des colons du Nord contre ces trois personnages. En janvier 1790, l’assemblée provinciale du Cap le rétablit par l’initiative révolutionnaire. Excités par les anciens magistrats, des blancs de cette ville s’étaient rendus au Port-au-Prince, dès le mois d’octobre 1789, pour arrêter MM. de Marbois et de Lamardelle, qui eurent le temps de s’enfuir en France. M. de la Luzerne était alors ministre de la marine et des colonies. Les colons le dénoncèrent ensuite à l’assemblée nationale constituante.