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grettons de ne pouvoir transcrire ici l’expression de ses idées. Chavanne avait vu sur le champ de bataille, aux États-Unis, que les blancs n’étaient pas des hommes supérieurs aux mulâtres, en bravoure et en courage ; cependant, au mois de mai 1790, il avait dû fuir les persécutions des blancs, pour avoir réuni chez lui quelques hommes de couleur, et il se réfugia à Hinche où il resta deux mois et demi : Chavanne a dû tenir au comte de Peinier un langage non moins énergique que celui d’Ogé, en raison de ces persécutions.

Ces deux lettres furent expédiées au Port-au-Prince, par Joseph Ogé, l’aîné des frères de Vincent, qui lui rapporta également la réponse du comte de Peinier ; mais celle-ci ne lui parvint qu’après sa défaite dont nous allons parler.

Le gouverneur général employa une feinte modération envers Ogé, parce que dans sa lutte avec l’assemblée de Saint-Marc et les colons en général, qui visaient à l’indépendance de Saint-Domingue, il avait senti la nécessité de flatter les hommes de couleur par quelques témoignages de bienveillance, pour les porter à se rattacher et à être fidèles à la métropole : il convenait donc à sa politique d’exhorter Ogé et Chavanne à être plus calmes. Mais, outre qu’il savait que la force organisée au Cap, et la configuration topographique du Nord laissaient peu de chances de succès à une prise d’armes des hommes de couleur de cette partie, il s’empressa d’écrire à toutes les municipalités, en leur envoyant copie des lettres d’Ogé et de Chavanne, et les engageant à suspendre toutes discussions pour pouvoir se défendre contre l’ennemi commun.

Ogé avait donné aussi à son frère une lettre pour les