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recueillir la succession; ce fut à moi, son fils unique et son représentant direct, de le remplacer. Je me séparai bien péniblement de tua jeune et bien-aimée famille ; mais enfin le devoir l`emporta; je reçus la bénédiction de mon père, j’embrassai ma femme et mon fils, et je partis.

Mon voyage fut long ct fatigant; eulin je m ’arrêtai un soir dans un village à quatre lieues tl`Amsterdam. ll était déjà tard et je ne serais arrivé en ville que fort avant dans la nuit. Toute réflexion faite, je résolus de coucher dans ce village et d’entrer dans Amsterdam le lendemain matin. Etc’est de cette. résolution, monsieur le Rabbi. c’est de cette résolution, prise cependant aprés de mûres réflexions, que datent tous les malheurs, qui depuis, sont venus fondre sur moi; c’est cette résolution que, dans mon aveuglement d’l1omme, je considérais comme un parti éminemment sage et prudent qui a creusé sous mes pas l’ab‘i`me de ma perdition éternelle.

Ah! monsieur, que sommes·nous !...

Le jeune homme s`arrêta ici; il _se passa la main sur le front et sembla en proie à une douloureuse agitation,le vénérable rabbin se rapprocha de lui, lui adressa quelques paroles affectueuses et parvint enfin à le calmer. Au bout de quelques instants il fut assez remis pour reprendre son récit. ’

—- Comme la grande foire annuelle d’Amsterdam,continua-t·il, s’ouvrait le lendemain, l’auberge du village ou je descendis était encombrée d`étrangers, et je fus obligé d"accepter une petite chambre au troisième étage de la maison, petite chambre à peine assez large pour y loger mon coffre où j’avais enfer- mé mon agent et mes papiers. Fatigué du voyage je me jetai sur ma couche et je m’eudormis bientôt. Je pouvais avoir reposé une couple d’l1eures lorsqu’un—bruit éclatant me réveilla soudain. Les cris: au feu l au feu : retentissent à mon ore i|le, et au même instant je vois s"élever des colonnes de flammes et de fumée par toute la maison. Je cours à ma fenêtre qui donnait sur la cour : on me crie : sauvez-vous! sauvez-vous! mais comment`? par où? Il n`était déja plus possible de descendre par l’escalier, l’incendie y avait déjà pénétré, et, logé au haut de la maison, je ne pouvais sans courir à une mort certaine m’élancer par la croisée. Dans ce moment de cruelle incertitude où mille pensées tumultueuses se croi!aientdans mon esprit égaré, une voix plus forte que les au- tres me cria : Jetcz·vous hardiment par la fenêtre, ne craignez r ien, les précautions sont prises. Je m’élançai et je tombai sans connaissance sur un lit de paille. En revenant à moi je me trouvai couché dans un fort bon lit â Amsterdam. L’homme généreux qui m’avait conseillé de me jeter par la fenêtre et m’avait, de la sorte, sauvé la vie, avait faitaus-