Page:Archimède - Des corps flottants, trad. Legrand, 1891.djvu/6

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 6 —

logne, sans disposer de ressources nouvelles, avait donné[1] de ce même latin de 1269 une transcription ou une rédaction claire et correcte, mais sans s’interdire de remplacer par des développements personnels les lacunes ou les parties de raisonnement trop obscures. Avec quelque tact et quelque finesse qu’il ait rempli sa tâche, il lui arrive parfois de mener le lecteur où l’aurait conduit le texte même d’Archimède, mais par des chemins qui passent à côté.

Jusqu’en 1890, il a bien fallu faire fond, pour connaître dans sa forme première le fameux théorème d’Hydrostatique, sur les publications précieuses en leur temps, mais si peu méthodiques de Tartaglia et de Commandin. Peyrard les combinait de son mieux pour en donner une traduction. Charles Thurot, mon regretté maître, signalait leurs incertitudes de détail, sans les discuter à fond, dans ses remarquables Études sur le Principe d’Archimède (Paris, 1869). En 1881, M. Heiberg de Copenhague, l’exact et savant éditeur d’Archimède, arrivé à cet endroit difficile de sa publication[2], s’appuyait principalement sur Tartaglia, tout en le nuançant à doses discrètes de Commandin. Bref, on allait forcément à tâtons.

Une découverte fortuite faite en décembre 1881 par M. V. Rose de Berlin à la Bibliothèque du Vatican a jeté la lumière sur ces obscures questions d’authenticité.

Dans un manuscrit contenant différents autres ouvrages de Science, M. Rose a retrouvé le texte même de la vieille traduction de 1269, perdue dans les archives papales depuis trois siècles. Volontairement, sans doute, les premiers éditeurs de notre Traité avaient rendu à l’oubli ce précieux document. Ils auront craint de nuire à la réputation de l’œuvre qu’ils mettaient en lumière, s’ils avouaient n’en avoir pas traduit ni même vu l’original. À cette époque, où le progrès des esprits et l’enthousiasme pour l’antiquité portaient, comme à leur envers, le mépris profond du moyen âge, quel crédit se fût attaché à la simple publication d’une copie archimédéenne en latin vieux de trois cents ans ?

Tel qu’il est, ce latin du moyen âge est jusqu’à nouvel ordre l’intermédiaire unique et direct entre Archimède et nous[3]. Il n’est point d’autre base sur laquelle doive être établie une traduction du Traité des

  1. En 1565.
  2. Archimedis opera, latine vertit J.-L. Heiberg. Leipzig. Collection Teubner, 3 in-12 ; 1881.
  3. Divers indices irrécusables montrent que le traducteur de 1269 avait bien sous les yeux (point capital pour nous) un exemplaire grec d’Archimède. Il le mentionne ; il s’y réfère ; et, — ce qui porte à croire que nous tenons le brouillon même de son travail —, dans le cas, assez fréquent encore, où une lacune interrompt son latin, il note alors en marge des mots, qu’il laisse en grec, parcelles de phrase dont la lecture lui paraissait douteuse, ou le sens par trop obscur. Ainsi, dans la Proposition VI.